Pourquoi la culture n’est pas (encore) bien considérée en entreprise ?

Et pourquoi les “slides de consultants” n’y changeront rien.

Une ouverture : la culture comme nouvel avantage compétitif

Dans les prochaines années, les entreprises ne se distingueront plus uniquement par leur stratégie, leur technologie ou leur organisation. Ces éléments sont accessibles, imitables, souvent interchangeables. Mais ce qui restera inimitable, c’est leur culture.

La culture devient le seul écart non reproductible entre deux entreprises similaires. Elle est ce qui crée la cohésion, la vitesse, la créativité, l’engagement. Et pourtant, elle reste mal comprise, mal pilotée, mal traitée.

C’est ce paradoxe que cet article veut explorer.

Le paradoxe de la culture

Tout le monde en parle. Peu savent vraiment ce que c’est. Encore moins savent la faire vivre.

La culture d’entreprise est citée dans chaque keynote, chaque entretien, chaque document de vision. Elle est valorisée comme levier d’engagement, d’alignement, de différenciation. Mais dans les faits ? Elle reste trop souvent un sujet flou, périphérique, ou réduit à un poster de valeurs dans la cafétéria.

Le vrai problème ? Ce n’est pas qu’on ne croit pas à la culture. C’est qu’on continue à la traiter comme un livrable.

Et trop souvent, ce sont des consultants brillants — mais extérieurs — qui viennent la diagnostiquer, la nommer, la “designer”… avant de repartir. Sans avoir rien changé de profond. Sans avoir laissé de trace dans le quotidien.

1. Pourquoi la culture est mal considérée

Elle est perçue comme floue

La culture n’est pas un KPI. Elle ne tient pas dans un reporting. Elle est par essence transversale, mouvante, ambivalente. Elle ne se voit qu’à travers ses effets : comportements, tensions, rituels, incohérences.

Dans un monde piloté par les chiffres, la culture est donc reléguée au rang de “ressenti RH”. Une variable molle, difficile à prioriser.

Elle n’est pas mesurée, donc pas pilotée

Or, dans le monde de l’entreprise : ce qui n’est pas mesuré est oublié. Si la culture n’apparaît dans aucun dashboard, elle est traitée comme un bruit de fond.

Et pourtant, on sait que les entreprises avec une culture forte performent mieux (‡ Gallup, McKinsey). Mais tant que cela n’est pas traduit en langage de gestion, le sujet reste marginal.

Elle est confiée à des experts extérieurs… qui ne restent pas

La solution habituelle : mission de conseil. Diagnostic culturel, entretiens, ateliers, livrables. Tout est rédigé, modélisé, présenté.

Et puis… rien. L’équipe revient à son quotidien. Les slides dorment dans Notion. Le plan d’action s’étouffe dans l’agenda.

La culture a été analysée. Mais elle n’a pas été transformée.

2. Ce que le conseil traditionnel ne permet pas (même avec les meilleures intentions)

i. Le conseil produit un diagnostic. Pas une transformation.

Il y a une différence profonde entre identifier les freins culturels et faire bouger les choses.

Nommer les incohérences n’est pas suffisant. Il faut les travailler dans la durée, les faire résister à la complexité du réel. Ce que seule la présence dans le temps permet.

ii. Le conseil propose des recommandations. Pas des rituels.

Une culture n’est pas un plan. C’est un ensemble de gestes, de symboles, d’histoires, de pratiques concrètes.

Sans activation, les valeurs restent des mots. Sans rythme, les engagements s’érodent. Ce n’est pas l’idée qui change les comportements, c’est la mise en pratique régulière.

iii. Le conseil vient de l’extérieur. La culture se travaille de l’intérieur.

Il faut du lien. De la confiance. Une connaissance fine des enjeux internes, des doutes, des tensions, des leviers cachés.

Un accompagnement court ne peut pas développer cette proximité. Il reste en surface. Il s’adresse au COMEX, rarement aux équipes. Il recommande, mais ne transforme pas.

3. Ce que change un accompagnement long terme

Un accompagnement long terme permet un véritable travail culturel. Pas une photo, mais un film. Pas un modèle, mais un processus vivant.

Changer la dynamique d’un collectif demande du temps. Car la culture ne se transforme pas par injonction : elle s’infuse, elle se cherche, elle se réajuste.

Trouver ce que l’on est vraiment, comme organisation, demande d’explorer, de tester, de se tromper parfois. Cela passe par des ajustements dans les comportements quotidiens, les recrutements, la manière de prendre des décisions, de régler les conflits.

Ce travail en profondeur n’est possible que dans la durée. Il repose sur la confiance, l’observation patiente, l’expérience partagée. Et surtout, sur la capacité à faire émerger une identité culturelle vécue, pas imposée.

Il permet d’incarner les changements

Ce n’est pas un énième intervenant, c’est un partenaire identifié. Qui observe, questionne, ajuste, réactive. Qui est là quand il y a de la résistance. Qui construit des relais. Qui reste.

Il rend possible l’activation progressive

  • Un mois = observation + écoute + cartographie
  • Trois mois = premiers rituels testés + feedbacks
  • Six mois = ajustement, transmission, autonomisation

Cette logique incrémentale est la seule qui respecte les rythmes humains. Elle permet d’ancrer, pas d’imposer.

Il ancre la culture dans le quotidien

Ce ne sont plus des valeurs affichées, mais des comportements partagés. Des réflexes collectifs. Des moments qui reviennent. Des codes internes.

4. Ce que la culture demande vraiment

  • Du temps : pour que les nouveaux gestes remplacent les anciens.
  • De la profondeur : pour que les personnes se sentent concernées.
  • De la présence : pour que la culture s’incarne dans les moments durs, pas seulement dans les slides.
  • De la mémoire : pour que l’on puisse raconter l’évolution.

La culture n’est pas un livrable. C’est une histoire collective à écrire au quotidien.

En conclusion : réhabiliter la lenteur et la proximité

Si la culture est encore mal considérée, c’est parce qu’on essaie de la traiter comme un sujet comme les autres : rapide, modélisable, livrable.

Mais la culture ne rentre pas dans les grilles. Elle s’observe, se cultive, se pilote dans la durée.

Ce dont les entreprises ont besoin, ce ne sont pas de missions courtes, mais de partenaires culturels, capables d’accompagner l’évolution dans le temps. De créer les conditions pour que la culture émerge, se renforce, s’ajuste.

Et surtout : de faire de la culture un système vivant. Pas un livrable mort.

Sources et références

  • Gallup (2023) — State of the Global Workplace Report: lien entre culture forte et engagement.
  • McKinsey (2021) — Organizational Health Index: impact de la culture sur la performance durable.
  • Erin Meyer (2014) — The Culture Map: comprendre la culture comme système implicite.
  • Jérémy Lamri (2018) — La révolution des compétences: lien entre culture, compétences humaines et transformation des entreprises.
  • Kotter & Heskett (1992) — Corporate Culture and Performance: les cultures adaptatives surperforment les cultures rigides sur le long terme.
  • Rapport Deloitte (2023) — Human Capital Trends: attentes de sens, d’impact, de reconnaissance chez les jeunes générations.
 
 
 

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